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ORCHESTRE SYMPHONIQUE : LES CHANTS DU DEPART

1894-1895 : Dvorak s'apprête à quitter les Etats-Unis. Son Concerto pour violoncelle en si mineur sera sa dernière oeuvre américaine. 1828 : Schubert n'a plus que quelques mois à vivre. Sa Neuvième Symphonie (chiffre fatidique que ne dépasseront ni Beethoven, ni Mahler, ni Bruckner, ni ... Dvorak) sera sa dernière grande page orchestrale. Pour son cinquième concert de la saison symphonique, l'OSM a associé, vendredi soir au Théâtre de la Sinne, ces deux « chants du départ » romantiques.

« Pourquoi n'ai-je pas su plus tôt qu'il était possible d'écrire un tel concerto pour violoncelle ? Si je l'avais su, il y a longtemps que je m'y serais essayé ». L'hommage est signé Brahms, et il s'adresse au Concerto pour violoncelle en si mineur d'Antonin Dvorak, une oeuvre à la naissance difficile (désaccords entre le compositeur et le dédicataire, simplifications dans les parties solistiques jugées trop difficiles) mais qui, depuis sa création, jouit, auprès du public comme auprès des musiciens, d'une faveur jamais démentie.

C'était encore le cas vendredi soir, à l'issue de l'interprétation de toute beauté proposée par le violoncelliste catalan Lluis Claret : un filleul de Pablo Cassals dont la chaleur du phrasé, le lyrisme de l'expression, la noblesse du chant ont illuminé cette partition généreuse et souvent nostalgique ; regret du pays natal, bien sûr, mais aussi souvenir de la belle-s'ur du compositeur, Joséphine Kounicova, récemment décédée (Dvorak en avait été amoureux, mais il dut se résoudre à en épouser la s'ur : cela ne vous rappelle-t-il rien ?).

Beau, simple et émouvant également, le bis : un Noël populaire catalan (« Le chant des oiseaux ») que Pablo Casals aimait jouer à Prades ...

Une grande « Neuvième »

Si la Catalogne est la terre des nobles archets, Israël semble être le pays des bons chefs. Il y a trois ans, Avi Ostrovsky nous avait proposé une enthousiasmante Huitième de Dvorak déjà !). Vendredi soir, l'orchestre était confié à un autre chef israélien, citoyen de Givatayim (ville jumelée avec Mulhouse) : Meir Minsky.

Déjà dans l'accompagnement du Concerto de Dvorak, on avait admiré sa sobriété et sa rigueur : pas de tempi étirés, pas de crescendos fracassants, et une parfaite entente avec le soliste. Des qualités qu'il a également mises au service de la Neuvième Symphonie de Schubert, la « Grande ». Et l'apparente bonhomie de sa souriante direction a entraîné l'orchestre vers une heureuse interprétation, mieux : vers une interprétation heureuse de cette symphonie que Schubert écrivit, si j'en crois le programme, « dix-huit mois après avoir composé l'Inachevée » (sic) .. et qu'il n'eut jamais la chance d'entendre.

A l'évidence Meir Minsky a longuement mûri son interprétation : dans le choix des reprises (certaines sont faites, d'autres non), des tempi (toujours allègres, jamais frénétiques ni alanguis), d'une tonalité d'ensemble qu'il a voulue plus spontanée que majestueuse. L'orchestre l'a bien suivi et, même si çà et là quelques cordes supplémentaires eussent été bienvenues, il a séduit par le naturel de sa respiration, la richesse de sa palette sonore, la plénitude de son interprétation. Une interprétation souvent irrésistiblement saltatoire : plus d'une fois, au cours de cette soirée qui s'est achevée sur de très longues ovations, j'ai songé qu'ainsi jouée, la Neuvième de Schubert méritait bien plus que la Septième de Beethoven le sous-titre inventé par Wagner : « l'Apothéose de la Danse ».

Denis Lustenberger



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LA FETE DU VIOLONCELLE ET DE LA

MUSIQUE ROMANTIQUE

Superbe prestation de l'Orchestre symphonique

de Mulhouse au théâtre de la Sinne pour le cinquième concert d'abonnement.

Le public du théâtre de la Sinne a été comblé : un soliste remarquable, un chef à la fois sobre et expressif et de surcroît musicien jusqu'au bout des doigts, qui transmet sa flamme à l'orchestre dans un programme sous la bannière romantique.

Deux oeuvres choisies parmi les piliers du prétoire qui, malgré leur appartenance à la même école, s'avèrent d'une grande diversité grâce à la richesse d'inspiration de leur auteur et à la mobilité continuelle de l'interprétation.

Violoncelliste de grande classe

D'entrée, voici le prélude orchestral du concerto de violoncelle de Dvorak qui, en l'espace de quelques mesures, sous l'impulsion irrésistible du chef invité, Meir Minsky, nous fait parcourir toute la palette expressive de l'orchestre. C'est alors que Lluis Claret fait chanter le fameux thème de l'allegro sur son violoncelle, un instrument d'une noblesse raffinée de la fin du 17e siècle de l'école d'Amati. Un vrai régal pour l'oreille qui se poursuivra tout au long de cette joute entre soliste et orchestre qui se partagent presqu'à part égale la part chantante et la portion accompagnante. Familier de la pratique de la musique de chambre, le violoncelliste séduit par son jeu d'une exquise sonorité et son aisance dans les séquences ardues de virtuosité. L'orchestre, qui joue dans cette oeuvre un véritable rôle symphonique, était lui aussi de la fête, et cela à tous les pupitres. Mentionnons en particulier le violon solo de Gérard Terreaux dans le mouvement final. A l'instar de Casals, Lluis Claret a fait chanter encore son instrument dans une mélodie populaire catalane, simple mais délicieus.e

La Grande ... pour Noël

La fête à l'orchestre s'est poursuivie avec une des plus belles symphonies, la 9e, dite « la grande » de Schubert. Grande par ses dimensions (une heure de musique), grande surtout par son inspiration. « Nous voguions dans des espaces infinis, dans un monde hors du temps », écrivait le chef d'orchestre et gendre de Liszt, Hans von Bulow après une interprétation de ce mouvement musical. Il est vrai qu'il y a dans cette symphonie quelque chose de cosmique, de tellurique qui pourrait s'accorder avec le mystère de la fête de Noël toute proche. Meir Minsky, lui aussi, au pupitre de direction, semble avoir été complètement absorbé par ces mélodies, ces rythmes saisissants. Et cela à travers une mise au point technique dont l'achèvement vous échappe, tant la musique coule de source avec une souplesse et un sens des nuances et de l'équilibre qui vous transportent jusqu'à l'accord final.

Le public, conquis, englobe dans ses ovations le chef et tout l'orchestre. Bravo !

J. Mona


PARIS, Le Concertographe
MARTINU DOUBLE

Orchestre National de France
Serge Rachmaninov, L'île des morts
Piotr Ilytch Tchaïkovski - Concerto pour piano n° 2
Bohuslav Martinu - Symphonie n° 5
Peter Jablonski (piano)

Maison de Radio France

Théâtre des Champs Elysées
Bohuslav Martinu
Symphonie n° 6 « Fantaisies symphoniques »

Pour les deux ultimes concerts de l'Orchestre national avant sa tournée en Asie, Charles Dutoit proposait les deux dernières symphonies de Martinu, ses oeuvres les plus célèbres, qui restent peu jouées à Paris.

Bien qu'habitué de ce répertoire, Charles Dutoit ne parvient pas à trouver une attitude qui convienne à cette musique. La parenté avec les symphonies françaises et américaines de l'époque (celles d'Henri Dutilleux, la Troisième d'Aaron Copland) due à l'influence de l'enseignement de Nadia Boulanger est sensible dans cette oeuvre dédiée à Charles Munch. L'orchestre restitue naturellement ce caractère mais la direction de Charles Dutoit ne tient pas compte de la respiration de l'oeuvre dont la richesse mélodique et la progression dramatique sont gênées par un goût de l'artifice et une allure précipitée, notamment dans le Lento initial.

La lecture de Meir Minsky, qui remplaçait Charles Dutoit, souffrant, dans la Cinquième Symphonie, est bien plus intéressante. Moins imprégné d'esprit français, il souligne davantage le rythme, quitte à le brusquer un peu, que les effets sonores, tirant Martinu vers Rachmaninov ou Prokofiev (premier mouvement) et, d'une façon plus convaincante, vers le Stravinsky d'oedipus Rex. L'oeuvre y retrouve son atmosphère slave, son milieu naturel.

Ces deux concerts étaient aussi l'occasion d'entendre deux jeunes pianistes rares à Paris dans des oeuvres réputées secondaires.
Le Deuxième Concerto de Tchaïkovski n'est pas le meilleur des faire-valoir pour un virtuose, mais Peter Jablonski a su y montrer un jeu bien coloré et un incontestable sens du discours pour ses échanges avec l'orchestre dans un Allegro brillante confinant à l'improvisation. Surtout, de cette oeuvre disparate (le mouvement fait une grande place aux violon et violoncelle solos - Luc Héry et Carlos Dourthé ont intelligemment joué en articulant leurs phrases avec beaucoup de sobriété), le soliste a donné une conception cohérente, plus poème symphonique avec piano principal que concerto. Il a gardé sa virtuosité pour le finale et, en bis, une étude de ... Jablonski, à la rythmique lisztienne et teintée d'impressionnisme.

Brillamment virtuose dès la première variation de la Rhapsodie sur un thème de Paganini, Jean-Yves Thibaudet fait de la dixième un tournant de l'oeuvre en martelant le Dies irae, qui propulse toute la seconde partie vers son but. L'orchestre, pourtant peu ménagé, échappe à toute pesanteur, suivant à la perfection le tempo impressionnant du pianiste.

Les compléments de programme étaient, pour les deux concerts, tout à fait classiques mais bien accordés aux tempéraments que les chefs ont montré dans les symphonies. D'une grande rigueur formelle dans le long mouvement continu de L'île des morts de Rachmaninov, Meir Minsky en dégage la transparence et le calme oppressant et funèbre, faisant des paroxysmes (Dies irae) des instants de soulagement paradoxal.

L'atmosphère était évidemment plus détendue avec les Tableaux d'une exposition de Moussorgski. La direction de Charles Dutoit y est sans surprise mais bien menée et fidèle à l'esprit ravélien. La théâtralité l'emporte dans La Grande Porte de Kiev, où le chef joue d'une intéressante progression dynamique.

Jean-Guillaume Lebrun


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Orchestre Symphonique de Mulhouse
Vaughan Williams - « The Lark Ascending » for violin
Vaughan Williams - Fantasia on « Greensleeves »
Vaughan Williams - Concerto for Oboe
Brahms - Symphony n° 3

La Symphonie de Mulhouse entre passé, présent et avenir

A l'occasion d'un sixième concert au programme exclusivement anglo-saxon, l'orchestre Symphonique de Mulhouse, a brillamment conjugué, vendredi et samedi, à la Filature, passé, présent et (peut-être) futur ... .

Le passé, c'est - déjà, hélas ! - Hélène Collerette, violon solo de l'orchestre de

l'Opéra de Lyon, après avoir été celui de l'OSM. Comme l'an passé dans les Quatre Saisons, elle s'est imposée avec grâce et musicalité dans « The Lark Ascending » de Ralph Vaughan Williams (1872-1958) : un violon subtil et aérien pour décrire avec poésie et sensibilité l'envol de l'alouette et ses arabesques de plus en plus hardies dans cette romance très applaudie, tremplin idéal pour la découverte d'un maître quasi-inédit à Mulhouse ... et « échantillon » suffisant pour avoir envie de réentendre la belle violoniste québécoise dès mardi à la Filature, où elle interprétera Webern, Chostakovitch et Beethoven au sein du Quatuor Renoir (ex-Filatuor).

Le présent, c'est François Fouquet, soliste du Concerto pour hautbois et cordes du même Waughan Williams. Comme la saison passée, ses collègues des vents Guy Messler et le néo-Rennais Jean-Philippe Vivier, le hautbois solo (depuis 1994) de l'OMS a enlevé sans coup férir cette page légère et ensoleillée, plus ardue qu'il n'y paraît (en dépit des initiales de son auteur, il n'est pas facile de ne pas s'y tromper !). Les difficultés rythmiques du Rondo pastorale, la cohésion précaire du Menuet et Musette, la cadence virtuose d'un Finale citant curieusement « Martha » de Flotow, tout cela a été surmonté avec chic par notre hautboïste normand, bien assisté par un orchestre fermement attaché à la réussite de l'un des siens, sous la houlette d'un chef aussi prévenant que discret : Meir Minsky.

Le futur, justement, cela pourrait être ce chef israélien visiblement très apprécié des musiciens et qui, de plus, est actuellement libre de tout engagement à long terme. Un citoyen de Givatayim (ville jumelée avec Mulhouse) dont on n'a pas oublié la prestation, à la tête de l'OMS en décembre 1992, dans le Concerto pour violoncelle de Dvorak (avec Lluis Claret) et dans la 9e Symphonie de Schubert, la « Grande ».
L'évidente connivence décelée ce soir-là était à nouveau perceptible dans la Fantaisie sur « Greensleeves » de Vaughan Williams, et surtout dans la 3e Symphonie de Brahms, qui concluait la soirée.

Une symphonie assez peu jouée, en dépit de son Poco allegretto exploité à satiété par le cinéma et la chanson : loin des déchaînements de la 1re ou de la bonhomie de la 2e, un « jardin secret » à la fois inquiet, heureux et désabusé, dont les fluctuations rythmiques ne sont pas des plus aisées à gérer pour un chef.

De l'héroïsme de l'Allegro con brio au poudroiement lumineux du Finale, Meir Minsky la construit tout en intensité et constrastes. Avec une gestique bien particulière, parfois ésotérique pour le public, mais parfaitement lisible pour ses « lieutenants » Lucile Salzmann et Isabelle Papirer (flûtes), Laurent Berthommier et Gilbert Rémond (clarinettes), René Bellier (hautbois), Jean-Philippe Chavey (cor) et Dominique Debelvalet (basson) qui ont entraîné tout l'orchestre vers une interprétation d'une rare plénitude.


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Orchestre Symphonique de Mulhouse
Vaughan Williams - « The Lark Ascending » for violin
Vaughan Williams - Fantasia on « Greensleeves »
Vaughan Williams - Concerto for Oboe
Brahms - Symphony n° 3

Le lyrisme ordonné de Brahms

Le sixième concert de l'OSM a opposé le flegme jovial du britannique Ralph Vaughan Williams à la profondeur médiative toute germanique de Brahms.

Un compositeur inconnu - sauf erreur - des programmes mulhousiens figurait au menu du dernier concert de l'Orchestre symphonique de Mulhouse : Ralph Vaughan Williams, considéré comme l'artisan du renouveau de la musique anglaise au XXe siècle.

Eminent adepte de l'école anglaise du folksong, à l'instar de Bartok et Kodaly en Hongrie et en Roumanie, il a consacré plus de soixante ans de sa vie à réunir plus de huit cents chansons populaires, à partir de la « Willow Song » en 1891 jusqu'à « Heart'music » en 1955.

Folksong

Toutefois, c'est à une tranche plus académique de son oeuvre qu'était consacré l'essentiel de la première partie du concert. Sans aucune prétention au chef-d'oeuvre, sa romance pour violon et orchestre participe au son de la musique descriptive et du concerto.

Si son langage, se référant presque constamment à la technique pentatonique, peut engendrer la monotonie, on se laisse tout de même séduire par l'alouette (The lark ascending) s'envolant au ciel, d'autant que le violon d'Hélène Collerette, violon-solo à l'orchestre de l'Opéra de Lyon qui, rappelons-le, occupa ce poste à Mulhouse de 1992 à 95 - dessinait la grâce et l'agilité à travers des sonorités d'une exquise fraîcheur.

Au pupitre, le chef Meir Minsky qui, en décembre 1992, avait déjà laissé le meilleur souvenir à la tête de l'OSM. Il obtient de ses musiciens d'indicibles pianissimos et maintient en permanence l'équilibre avec la soliste.

Le Concerto pour hautbois s'inscrit plutôt dans l'orbite de la musique de chambre et s'avère d'une facture plus élaborée. D'une haute exigence technique, il a été joué dans un style décontracté par le soliste-maison François Fouquet qui, entouré de ses collègues des cordes, a su en traduire la légèreté et la vivacité.

Seule concession au maître anglais du folksong, cette « Fantasia on Greensleeves », une chanson qui a fait le tour du monde, que Ralph Vaughan Williams habilla de soie et de velours par la magie des cordes, de la harpe et de deux flûtes.

Symphonie de Brahms

Après cette première partie récréative, c'est l'esprit reposé que le public, un peu moins nombreux que d'habitude, peut entrer dans la sphère brahmsienne avec la troisième symphonie du maître romantique allemand. Un monde où se côtoient la profondeur méditative, la rigueur, le souffle épique, la contemplation sereine, le lyrisme épanoui, la joie, la douleur, autant de sentiments à la lumière de thèmes bien typés - Ah ! le fameux premier thème de l'allegretto ! - dans une orchestration charnue éblouissante de couleur. Toute cela nous a été restitué avec aisance et maîtrise par Meir Minsky. Sous sa direction solide, suggestive et expressive, l'OSM a réussi une version chaleureuse et émouvante de cette symphonie qui, si elle pâtit quelque peu des préférences à la première et quatrième, reste représentative de la personnalité de son auteur, « prodigieux inventeur de musique - selon le mot de Roland Manuel - qui a su plier le lyrisme le plus fécond à l'ordre le plus splendide ».

J. Mona

PARIS, La Lettre du Musicien

ORCHESTRE NATIONAL DE FRANCE

Symphonies de Martinu à Radio France

En présentant les Cinquième et Sixième Symphonies de Bohuslav Martinu au cours de son cycle slave, Radio France aura remis en lumière l'imagination créatrice d'un musicien qui fut servi par une longue pratique de l'orchestration spatialisée.

Réfugié aux Etats-Unis pendant la guerre, il laissa éclater sa joie de la voir terminée dans la Cinquième dont l'intarissable verve rythmique naît de l'esprit de la danse tchèque, où la mise en valeur de pupitres traités en solistes se réfère au modèle du concerto grosso. Rappelons qu'à la suite de Sibelius, Martinu s'est affirmé comme un rénovateur de la symphonie à l'époque moderne, prenant parmi ses sources le prélude de Tristan et Isolde où les thèmes naissent d'un courant musical au lieu de le déterminer. Cette forme d'écriture où l'instabilité tonale est un enrichissement, où les développements mélodiques sont magistraux, a été mise en lumière de façon convaincante par un chef visiblement pénétré de cette musique, Meir Minsky, et un Orchestre national qui s'est enflammé.

Bien des orchestres devraient suivre cet exemple salutaire pour le renouvellement du répertoire, auquel le public a été extrêmement sensible. La Sixième (1951-1953) nous inspire de semblables réflexions. L'auteur voulait l'appeler Nouvelle Symphonie fantastique. Elle reflète de graves méditations sur la vie de l'homme moderne, confronté au machinisme et à l'uniformité. Envahie de bruissements et tournoiements inquiétants, la cité dévorante s'y trouve brusquement stigmatisée par des galops enragés et des effets instrumentaux de bruitage. Le geste sobre, élégant, de Charles Dutoit en a sculpté les contours, veillant au bon déroulement et au bon enchaînement des séquences d'un discours fantasque, tout ce qui éclaire l'appellation finalement retenue de Fantaisies symphoniques. Cordes soyeuses de l'Orchestre national, vents précis, voilà ce qui convenait aux grandes plages de douceur mélodique héritée de Dvorak, ainsi qu'à la religiosité des dernières mesures, symbole du refus par l'artiste d'un monde désaxé.

Pierre Vidal